MÉDINA DE TUNIS
La Médina de Tunis est patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1979. Connue pour son architecture historique et son artisanat ancestral, depuis 2011, elle rayonne également par une nouvelle activité culturelle bourgeonnante. Cette effusion impulsée par des acteurs non institutionnels, des associations à but non lucratif et des habitants contribue à régénérer la médina.
Afin de comprendre ce mécanisme, les chercheurs Eric GAUTIER LAURENT (Université Gustave Eiffel) et Meriem MAAZOUL (ESSEC Tunis) ont conduit une ethnographie au sein de la médina, appuyés par Mariem REKIK (ONU-Habitat Tunis).
De ce travail est né un chapitre intitulé « Expériences culturelles citoyennes et régénération du lien au territoire : la médina de Tunis » publié dans l'ouvrage Organisations Alternatives des Citoyennetés et disponible sur Cairn.
Préambule
À l'occasion du mois du Ramadan, la Médina de Tunis devient le terrain d’un festival : « La Médina des Lumières ». Il devient alors possible de circuler dans des bâtiments habituellement inaccessibles, de déambuler à travers expositions et salles de concert, voire même de se faire tatouer… Des activités qui contrastent avec l’image d'Épinal du site.
Les chercheurs Eric GAUTIER LAURENT et Mariem MAAZOUL ont assisté à la deuxième édition du festival, en septembre 2022. Cette visite a donné lieu à une étude sur les expériences culturelles citoyennes et la régénération du lien au territoire. Elle vise à considérer l’engagement d’organisations d’un territoire à une échelle locale ou micro avec des actions d’innovation sociétale.

Réalisée à partir d’une ethnographie, soit un recueil d’observations et d’entretiens avec les organisateurs et les participants de 2022 à 2023, elle permet d’analyser leurs relations au local et leurs interactions avec l’ensemble des acteurs.
Restauration et protection de la médina au XXème siècle
En arabe, المدينة (« médina ») signifie « ville ». La connotation de « ville historique » apparaît lors de la colonisation. La capitale tunisienne se scinde alors en deux : d’un côté la ville occidentale récemment construite, nouveau centre-ville, de l’autre la médina que les habitants les plus aisés quittent progressivement.
À la fin des années 1960, le Ministère de l’Urbanisme annonce un projet de route traversant la Médina.
C’est dans ce contexte qu’une organisation Ad-Hoc est fondée pour sa protection : l’Association de Sauvegarde de la Médina de Tunis ou l’ASM, à la suggestion de la Mairie. En 1979, la vieille ville devient patrimoine mondial de l’UNESCO. En 2011, elle obtient le label de vieille ville touristique.
En 55 ans, les souks et la médersas sont protégés et valorisés.
Une médina attractive pour l’industrie créative
La médina n’est pas seulement un lieu chargé d’Histoire. Une nouvelle forme de culture, portée par les jeunes, apparaît.
La rue Pacha en est un bel exemple. Elle abrite le palais Kheireddine, habitation du Pacha de Tunis au XIXème. Aujourd’hui, le bâtiment est reconverti en musée. On y trouve également une maison d’hôte, une médiathèque, un centre culturel et un espace de coworking.
De nombreux événements sont organisés par différentes associations et ONG. Le matin, les visiteurs peuvent participer à des ateliers, le soir ils écoutent des concerts. Le festival Dream City, par l’Art Rue, présentait une cinquantaine d'œuvres dispersées dans plusieurs lieux (30) de la Médina.
Ces activités fédèrent et stimulent la création d’emplois. 21 micro-entreprises se sont rassemblées au sein d’un groupement d’intérêt.
La représentation de la Médina évolue d’une approche patrimoniale et artisanale à un lieu attractif pour l’industrie créative. Il s’agit de conserver une richesse culturelle historique mais aussi de la réinsérer dans son contexte socioculturel présent pour que les habitants se réapproprient et valorisent le lieu.
« Si cet événement avait été fait dans une salle de théâtre ou de cinéma, ça n’aurait pas été pareil... »
Une singularité défendue par le collectif
Lors de leurs entretiens, les chercheurs se sont entendus dire « Si cet événement avait été fait dans une salle de théâtre ou de cinéma, ça n’aurait pas été pareil », il s’agit du « timbre tunisien ». L’identité emblématique de la Médina maintient et solidifie la communauté culturelle.
En 2000, l’ASM engage la régénération des bâtiments historiques de la ville en intégrant la problématique des quartiers informels, avec la participation des artisans locaux. Ils sont en grande partie à l’origine de l’activité culturelle immatérielle (ateliers, événements, etc.).
Le tournant de 2011 est central dans cette transformation : s’il est nécessaire d’obtenir des autorisations de la part de la mairie pour développer et promouvoir tout événement s’agissant d’un espace public, cette dernière se positionne en arrière-plan, laissant une grande liberté aux acteurs locaux.
Les mesures prises par l'État pour revitaliser la structure de la médina et pour la représenter dans les médias ont été payantes. L’économie culturelle, le tourisme contrôlé et les projets de revitalisation initiés doivent assurer la préservation du tissu économique et la vie sociale.
Le lieu constitue un principe de sens pour ceux qui l’habitent et il revêt trois dimensions : identitaire, relationnelle et historique.






